L’extraordinaire pouvoir de manipulation des réseaux sociaux

Donald Trump a été élu président des USA grâce aux fausses informations circulant sur Facebook et Twitter. Les réseaux sociaux incarnent-ils une nouvelle menace pour la démocratie ? Sommes-nous complices de cette vaste manipulation des cerveaux ?

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La dernière campagne pour les élections présidentielles américaines a été l’objet de nombreuses publications de propagande qualifiées de “fake news“. Ces dernières ont été largement relayées sur internet et les réseaux sociaux. Google, Facebook et Twitter ont ainsi été accusés d’avoir malgré eux favorisé l’élection du nouvel occupant de la Maison Blanche. Pourtant, il y a quelques années, ceux-là même étaient encensés pour leur rôle bénéfique lors des printemps arabes. Quel est donc ce nouveau mal dont sont accusés Internet, Facebook et Twitter ?

Juriste et spécialiste reconnu du droit du Net, l’américain Lawrence Lessig s’est exprimé récemment sur ce sujet dans la presse française. Selon lui, internet et les réseaux sociaux « cantonnent les individus à leur propre bulle d’information ». Les partisans de Donald Trump ne voyaient que les publications des partisans de Donald Trump et ceux d’Hillary Clinton ne voyaient que les publications des partisans de cette dernière.
« Nous sommes passés de plateformes communes à des plateformes de plus en plus fragmentées, qui produisent un monde dans lequel chacun vit dans sa propre bulle, » explique Lawrence Lessig.

Propos renchéri par ailleurs par Tristan Mendès-France, spécialiste des nouveaux usages numériques, et enseignant au Celsa :« Si un collègue ou un ami me passe une information, j’y accorderai un certain crédit, même si elle est fausse ».

Facebook décide ce qui s’affiche sur votre fil d’actualités

Une étude Médiamétrie, datée de décembre 2016, indique que 38 % de la population déclarent accéder à l’information depuis internet en passant notamment par les réseaux sociaux. Un chiffre en constante progression. Et 84 % des internautes déclarent préférer lire des articles partagés par leurs amis sur les réseaux sociaux.
Sachant que le “edgerank“, ou algorithme qui décide ce que vous verrez sur votre fil d’actualité de Facebook, privilégie l’affichage des publications de vos amis au détriment de celles des pages des médias, cela interroge sur la diversité des informations que nous consultons.

Tristan Mendès-France relativise toutefois : « c’est nous qui décidons qui nous allons suivre, les amis qu’on va avoir et qui nous enferment dans cette fameuse bulle. Les algorithmes ne viennent que s’y ajouter ».

Google et Facebook garants de la vérité historique ?

Alors, devons-nous nous inquiéter de la manière dont internet et les réseaux sociaux alimentent la population ? L’enseignant du Celsa constate que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) «deviennent les gardiens et les garants d’une certaine vérité historique, bien que ce ne soit évidemment pas leur rôle. Ce nouveau paradigme sera compliqué à gérer pour Google qui est normalement un simple index de recherche, et qui devient de facto, un acteur subjectif dans les choix des contenus et leur portée historique. »

Face à la circulation massive des “fake news”, nous, communicants publics, présents sur ces réseaux sociaux via les comptes et pages de nos institutions, devons prendre conscience du rôle que nous y jouons et des responsabilités qui nous incombent.

Le poids de nos publications sur les réseaux sociaux

Il nous appartient de nous interroger également sur la portée de la parole du service public sur ces réseaux. À un niveau local est-ce que la parole ou l’opinion de mon voisin a plus de valeur que celle de la mairie ? Quel niveau de crédibilité entre une rumeur partagée sur Facebook par Robert, mon voisin, et l’information officielle publiée sur la page Facebook de la ville ?

Aujourd’hui l’algorithme de Facebook donne potentiellement plus de lisibilité aux rumeurs de Robert sur les travaux de l’avenue Jean Jaurès que les informations officielles communiquées par la mairie. Les réseaux sociaux sont nos hôtes et nous y avons bien peu de pouvoir. Nous sommes soumis à des acteurs privés qui décident ce qui est publiable ou non, qui sélectionne ce qui est vu selon les profils.

Il s’agit à la fois de reprendre en main l’information que nous diffusons et celle que nous regardons. Agissons de le telle manière pour ne pas simplement générer du “like” sur nos publications en ligne, ni créer du buzz facile et rapide.

Il est primordial, malgré des restrictions budgétaires toujours plus drastiques de maintenir, enrichir, crédibiliser et légitimer notre écosystème d’informations : internet, réseaux sociaux, journal papier, affichage, réunions publiques… qui garantissent une information accessible à tous et pour tous.

Un vaste chantier s’ouvre à nous pour donner toute sa force à la communication publique.

Chronique parue initialement dans la newsletter de Cap Com

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