La communication en ligne, entre maturité et nouvelles pratiques

Comment bâtir une communication en ligne à coût zéro ? Les sites internet de collectivité sont-ils encore utiles ? Les collectivités sont-elles à la peine sur Facebook ? Faut-il à tout prix une communication mobile ? Les carrefours numériques* du forum Cap Com 2011 ont interrogé les communicants publics sur les enjeux du moment et les stratégies de communication en ligne à mettre en œuvre.

 

Julien Didry, maire de la petite commune de Bras-sur-Meuse, l’affirme : “le numérique est un enjeu fondamental pour le milieu rural”. Il a pris à bras le corps la communication de son village, utilisant les outils du moment à disposition : blog sous WordPress, Facebook… Huit plateformes en ligne au total. Pour les moyens humains, point de service communication mais le recours à des jeunes grâce au service civique, peu connu des collectivités.

Etre présent là où sont les individus

A la question “en voulant être partout, finalement arrive t-on à faire quelque chose et avec quelle stratégie ? “ l’élu 2.0 réplique que “chaque plateforme a sa spécificité, avec des publics et des attentes différentes. En tout état de cause, il faut aller là où sont les gens”. Propos confirmé par Cedric Tristan Geneste, élu de Salers dans le Cantal, qui n’hésite pas à aller alimenter la page Wikipedia de la commune, cette dernière apparaissant dans les premiers résultats de recherche sur Google.

Jérôme Bournaud, webmaster de l’agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines renchérit : pour couvrir cette année un événement sportif international – le Paris-Brest-Paris – “le choix a été fait à la fois d’essaimer l’information sur plusieurs réseaux sociaux : Facebook, Twitter, Dailymotion, Youtube, Flickr, Picasa… mais aussi d’agréger les contenus en provenance des internautes du monde entier”. Résultats : beaucoup plus de connexions et d’interactions pour un budget zéro, par rapport à la précédente édition de l’événement qui s’était appuyé sur un site unique ayant coûté 10 000 euros.

Il ne faut pas oublier toutefois que derrière cette gratuité apparente, se cache du temps humain, qui au-delà de la bonne volonté et de l’implication de chacun, peut se traduire en salaires pour la collectivité.

La perte de maîtrise de ses données ?

Volatilité des outils gratuits en ligne, non maîtrise de ses données publiées font partie des. craintes exprimées par les participants des carrefours. Craintes renforcées par les propos de Christian de la Guéronnière, directeur associé de l’agence Epiceum (ex ID-communes) : “Les investissements sur Facebook sont fragiles. L’audience créée ne nous appartient pas. Facebook est libre de fermer le robinet à tout moment”.

Julien Didry tempère en précisant que les informations émanant d’une collectivité sont censées être des données publiques. “Elles sont à essaimer et il ne faut pas se focaliser sur le support lui-même.” conclue t-il.

Facebook : y être sans savoir pourquoi

Sur le cas précis de Facebook, le réseau social le plus populaire du moment avec 800 millions d’inscrits dans le monde, Epiceum rappelle que  “81% des entreprises qui vont aujourd’hui sur Facebook, ne savent pas pourquoi.  C’est la tendance de fond : il faut y être, mais sans avoir défini de stratégie au préalable.”

Autre handicap pour les collectivités : l’officialité d’une « page » Facebook n’est pas la garantie du succès. Les chiffres actuels ont même tendance à démontrer le contraire. C’est ce qu’a compris le département du Var, qui avec plus de 26 000 fans est de loin le 1er conseil général en terme d’audience.

Les pages officielles ne garantissent pas le succès

Régis Rostein, directeur de la communication explique que l’identification de la page du département par une photo de paysage, en lieu et place du logo institutionnel, a sans doute joué dans le succès de la viralité de sa page.
Mais nombre de collectivités appréhendent Facebook comme un simple outil de publication complémentaire à leur site internet, en méconnaissant la nature profonde de ce qu’est un réseau social” regrette Christian de la Gueronnière. “ Facebook doit être un outil de citoyenneté numérique. Les collectivités et les élus ont souvent peur de cette dimension. De plus ils ont l’illusion de pouvoir apprivoiser ces réseaux.” achève t-il.

Jean-Daniel Boutet, consultant et auteur d’une étude sur les pages Facebook des conseils généraux, explique que dans leur grande majorité, les administrateurs des pages sont réactifs et répondent rapidement aux commentaires ou messages publiés sur Facebook. Nous sommes loin toutefois du dialogue et du véritable échange. A l’instar des forums de discussion il y a quelques années, Facebook semble peu propice au débat citoyen. Par contre le réseau semble bien se prêter à des communications ciblées. “ On a pas forcément le public attendu sur Facebook” précise Jean-Daniel Boutet. Ainsi la page du Var compte 40% de fans, originaires de… l’Ile-de-France.

Communiquer sur des valeurs

Le média social peut-être également un vecteur efficace pour une communication de crise.
Régis Rostein explique que suite aux récentes inondations dans la région, des chaines de solidarité se sont créées par l’intermédiaire de Facebook. Emmanuel Chila, de la ville de Dunkerque et Jean Marc Lahaye de l’agence BeMyBuddy complètent ces pistes de communication par le succès des entreprises qui véhiculent davantage des histoires et des valeurs que de la simple promotion de leurs produits. Ainsi il peut être plus efficace de communiquer sur l’appartenance à un territoire que sur l’institution elle-même.

Et que deviennent les sites internet institutionnels dans ce système de communication éclaté ? Laurent Riera, directeur de la communication d’Evry-Centre-Essonne, estime que “face à l’infobésité du web, il est judicieux de se recentrer sur ses compétences et de ne pas déployer des moyens disproportionnés au regard de l’audience des sites web de collectivité”.

Le site internet ne doit pas ressembler à la M14

Pour sa part, Xavier Crouan, directeur général adjoint de la région Ile-de-France, pense qu’il ne faut plus parler de site internet mais d’environnement numérique. “Notre système d’information doit être repensé en permanence. Les usages évoluent très vite” indique t-il. “Il est nécessaire de créer des partenariats afin d’être présents sur différents médias. Ne pas hésiter à aller à la rencontre des autres  et ne plus se contenter de mettre à jour son site internet”. Il insiste sur le fait que “les sites internet ne doivent pas être organisés sur le même modèle que la M14 : à chaque poste budgétaire de la collectivité correspond une rubrique du site internet”.

Laure Chatel, responsable des TIC à Nantes abonde dans ce sens : “Même si la ville est le premier échelon intuitif pour les habitants, nous ne pouvons pas répondre à toutes les demandes, surtout celles qui ne relèvent pas des compétences de la mairie. C’est pour cela qu’il est nécessaire de s’appuyer sur des partenariats externes, tout en gardant une porte d’entrée symbolique à travers le site.” précise t’elle. “Il ne faut pas se focaliser sur les outils mais sur les différentes attentes des habitants, auxquelles nous pouvons répondre de manière ciblées selon le média utilisé” conclue t’elle.

Le mobile : une communication individuelle et émotionnelle

Si certaines études prévoient que 85% des consultations des sites web se feront d’ici quelques années via un terminal mobile, beaucoup d’incertitudes demeurent encore quant aux bonnes stratégies à développer pour être présent sur les smartphones et autres tablettes.

Jean-Marc Lahaye, de l’agence multimédia BeMyBuddy révèle que les individus ont un attachement quasi sentimental à leur mobile. “Ils le gardent en permanence avec eux. C’est un objet intime qui a transformé les comportements aussi bien dans la vie professionnelle que privée” indique t-il. “Nous devons donc avoir conscience que la communication doit au maximum individuelle pour être efficace” ajoute t-il. Si les smartphones sont devenus  de véritables ordinateurs miniaturisés, le sms demeure encore un canal d’information efficace et peu coûteux, avec un fort taux de lecture garanti.

Applications mobiles : coûteuses et rapidement obsolètes

Quant au développement d’applications dédiées, la plus grande prudence s’impose. En effet une application demande autant de développement que de systèmes existants : iphone, androïd, Windows, Blackberry, etc. Et donc autant de budgets. BeMyBuddy recommande plutôt de réer des versions mobiles des sites internet existant, en sélectionnant les contenus et services utiles à une consultation nomade.

Christophe Devillers, directeur de la communication du Pays de Montbéliard agglomération, quant à lui utilise les QR codes dans son magazine qui renvoient à des vidéos, directement visionnables sur mobile.
Anne Briolais, de la ville de Bordeaux conclue sur l’idée qu’il est nécessaire d’avoir à l’esprit “qu’internet, ce sont des usages et des services à la population, avant d’être des outils techniques”.
Au final, site mobile ou applications, le porte-monnaie sera encore l’arbitre dans les choix du communicant.

Cibler, localiser, faire appel à l’émotion

Au delà des incertitudes face à un monde numérique qui évolue à toute allure, une idée forte apparaît en filigrane des quatre rendez-vous proposés : nous nous trouvons face à un environnement communicationnel numérique vaste, éphémère, interactif et chronophage. Il est illusoire de vouloir le maîtriser totalement. Il permet toutefois de nombreuses opportunités et des nouvelles forme de proximité avec les habitants. Cibler son public, localiser sa communication et faire appel au registre de l’émotion sont ainsi les nouvelles pistes à explorer pour les communicants publics. Rendez-vous aux prochains rendez-vous numériques de Cap Com pour vérifier si ces concepts de communication en ligne ont été pertinents.

Carrefours proposés et animés par Yann-Yves Biffe, directeur de la communication du conseil général des Ardennes, Marc Cervennansky, chef de projet web à la communauté urbaine de Bordeaux et Philippe Deracourt, chef de projet communication numérique du conseil général du Val de Marne.

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2 pensées sur “La communication en ligne, entre maturité et nouvelles pratiques

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