Le territoire c’est le marché

Et si la ville, espace commun et publique par construction, pouvait, elle aussi, se faire Uberiser ? L’émergence d’Airbnb et la transformation de certains quartiers de Paris en terrain de jeu réservé aux touristes à la recherche d’un Paname d’antan inquiète les acteurs institutionnels, les habitants et les petits commerçants.

Selon France bleu, plusieurs arrondissements du centre de la capitale perdent des habitants du fait du développement des meublés touristiques mis à la location via le célèbre site. Le Marais serait touché de plein fouet par cette fuite des résidents préférant louer leur 2 pièces cuisine à des touristes en goguette plutôt qu’y vivre. Le débat sur Paris « musée à ciel ouvert » n’est pas nouveau mais rebondit une nouvelle fois grâce à la numérisation de l’économie et à l’établissement de liens directs entre consommateurs et porteurs d’offre. Accélérateur extraordinaire des échanges et redistributeur des cartes, Internet et les Smartphones seraient-ils les symptômes visibles d’une privatisation de la ville ?

Pour ce qui est des services au citoyen, l’eau, les transports et la propreté ont depuis longtemps franchi le Rubicon en délégant leur charge à des opérateurs compétents dans l’immense majorité des cas. Le débat idéologique n’en est pas pour autant clos, les alternances politiques faisant naître ou disparaître des liens statutaires (établissements publics) ou contractuels (avec des entreprises privées) pour l’exercice de ces activités d’intérêt général. Mais il n’était guère question de privatisation, tout juste de gestion directe ou déléguée et de marchés publics.

L’idée d’une transformation de la nature de la ville comme conséquence d’une initiative commerciale privée est nouvelle. Elle semble pourtant inéluctable et ce n’est pas un arsenal législatif qui en viendra à bout (la déclaration de revenus générés par la location d’un meublé est déjà obligatoire par exemple). Le vrai problème est que l’institution (la commune, la communauté d’agglomération, la communauté urbaine, la métropole) peine à trouver une réponse quand elle ne possède pas de stratégie de marketing territorial. Eh oui, le territoire est désormais sur le marché (rappelons-le, le marketing est l’ensemble des moyens mis en œuvre pour influencer le comportement d’un consommateur). Il est donc grand temps de s’y mettre en se dotant d’une politique et de moyens pour répondre à ce marché du territoire. Et « vouloir faire venir des entreprises, des commerces et des habitants » n’est pas un objectif suffisamment bien pensé pour se doter d’actions efficaces. La ville (le territoire) doit se positionner avec des partis-pris, des avantages. Elle doit étudier ses concurrents, s’adapter à cet habitant qui désormais la consomme. C’est son défi pour ne pas se faire uberiser et maîtriser son développement en partenariat avec ces acteurs privés qui en font aussi le succès. On peut pleurer un quartier de Paris qui n’existerait plus parce que peuplé de touristes tout comme on le pleurerait demain si ces mêmes touristes le délaissaient… Ou on peut prendre en main un développement choisi : c’est ça le marketing territorial.

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Olivier Genevois

Elevé à la pub des 80′s, biberonné au réalisme du marketing, enthousiasmé par les questions globales liées à la Cité, j’ai co-fondé Sennse avec ce joyeux mélange d’aspirations personnelles et de savoir-faire professionnel. Depuis plus de 25 ans je décortique ainsi les enjeux techniques et politiques des institutions, je réponds aux questions très concrètes des opérateurs de transport, je partage les réflexions d’avenir des urbanistes, je me confronte aux exigences divergentes des usagers-consommateurs-citoyens.

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