La gare routière parent pauvre du transport de voyageurs

L’année dernière un peu plus de 100 000 passagers ont fait le choix de voyager en car sur une longue distance, en partant d’une gare routière française. La Loi Macron devrait « mécaniquement » faire bondir ce nombre nous dit-on. Et pourquoi pas créer 10 000 emplois !

Sur le pourquoi pas j’ai une petite idée. L’image du transport longue distance par car part de loin pour attirer les foules. Ce n’est même pas celle du low cost (qui a trouvé son ton) qu’il endosse mais celle du subi, du contraint. Celle de la promiscuité, celle de la gare routière glauque à souhait, inaccessible ou anxiogène. Si les compagnies de transport on fait de sérieux efforts sur le matériel roulant, on ne peut pas en dire autant des infrastructures d’accueil des passagers ! Avez-vous seulement déjà trouvé la gare routière de La Défense ? Jeu de piste assuré grâce à une signalétique fantaisiste et changeante. Avez-vous pu accéder sans problème à la gare de Gallieni-Porte de Bagnolet ? Et Paris-Bercy by night ? Angoisse assurée et accessibilité extraordinaire avec ses escaliers côté parc de Bercy. Orléans ? Avignon ? Des coupe-gorges !

La gare routière demeure le parent pauvre de la chaîne de transport, délaissée depuis des années comme elle l’a été. Pour faire de cette réforme un succès elle doit se requalifier d’urgence. Pour commencer elle doit se signaler, à la manière des gares ferroviaires qui s’érigent depuis quelques années. La gare routière a vocation à être une porte d’entrée sur la ville, majestueuse, et pas une porte dérobée. Si elle est rendue visible et accessible, elle aura ensuite à accueillir dignement ses passagers. Et ne pas les parquer au vent ou sous la pluie, ou dans des salles des pas perdues crasseuses éclairées au néon. Attendre dans une gare routière c’est aujourd’hui se transformer en naufragé de la route, en citoyen de troisième zone.

Accueillir des passagers c’est aussi accueillir des clients, leur donner la possibilité d’accéder à des toilettes,  de se restaurer, de patienter confortablement, de faire des emplettes, de se connecter à un réseau Wifi… Autant de services qui font qu’un lieu de transit devient un maillon fort de la mobilité.

Mais nos gares routières partent de loin, de très loin. Il leur faut plus qu’un coup de peinture pour effacer les graffitis et qu’une dose d’eau de Javel pour combattre l’odeur d’urine. Un geste architectural ne serait pas du plus mauvais effet dans de très nombreux cas. Les villes doivent devenir fières d’accueillir leurs visiteurs par car !

Les gares routières sont, depuis la loi LOTI de 1982, une composante du service public des transports. Selon l’article L. 1211-4 du code des transports elles « constituent des missions de service public dont l’exécution est assurée par l’Etat, les collectivités territoriales et leurs établissements publics en liaison avec les entreprises privées ou publiques.
La réalisation et la gestion d’infrastructures et d’équipements affectés au transport et leur mise à la disposition des usagers dans des conditions normales d’entretien, de fonctionnement et de sécurité ; […] ». Les autorités compétentes en matière de gares routières peuvent donc être les communes, les départements pour les dessertes relevant de leur compétence (transports non urbains), les régions pour les dessertes routières ou ferroviaires de niveau ou l’Etat pour les lignes d’intérêt national. Une étude de la FNTV de 2012 nous apprend que 44% des gares routières appartiennent à des autorités organisatrices urbaines et 37 % aux départements, le reste étant inclassable.

Une fois de plus, le mille-feuille administratif à la française justifie l’état de délabrement dans lequel se retrouvent des infrastructures. Le « c’est-pas-moi-c’est-l’autre » n’est jamais loin. Monsieur Macron, pour que le transport par car prenne un nouveau départ, n’oubliez pas les gares. Il faut repenser les gares routières si vous voulez voir des amoureux s’étreindre sur les quais.

©Photo By Croquant

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Olivier Genevois

Elevé à la pub des 80′s, biberonné au réalisme du marketing, enthousiasmé par les questions globales liées à la Cité, j’ai co-fondé Sennse avec ce joyeux mélange d’aspirations personnelles et de savoir-faire professionnel. Depuis plus de 25 ans je décortique ainsi les enjeux techniques et politiques des institutions, je réponds aux questions très concrètes des opérateurs de transport, je partage les réflexions d’avenir des urbanistes, je me confronte aux exigences divergentes des usagers-consommateurs-citoyens.

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