E-réputation des collectivités : revue de presse ou nouveau baromètre d’opinion?

Internet est devenu le lieu par excellence de fabrication de l’opinion publique. Pour les politiques, ce retour des citoyens sur leurs actions peut être perçu comme une avancée mais constitue également un risque qu’il convient de maîtriser.


À l’heure où « googler » le nom d’une personne est devenu un réflexe, de nombreuses entreprises fleurissent sur le web et vous proposent de nettoyer votre réputation. Ainsi, le groupe Swiss Life, en partenariat avec l’agence de réputation en ligne Reputation Squad, lance son assurance “e-reputation”. Très en phase avec les nouvelles problématiques induites par les comportements sur Internet, on est loin d’une assurance tous risques. En effet, si vous êtes l’auteur du contenu qui pose problème, si le litige découle de votre vie professionnelle et non de votre vie privée ou bien si le litige découle d’un mandat électif, Swiss Life ne pourra rien pour vous.

Les personnalités publiques sont exposées à
des risques nouveaux qu’il leur faut appréhender 

Pourtant élus et collectivités territoriales ont tout intérêt à prendre les choses en main avec leur cyber réputation. Les personnalités publiques, même sur de petits territoires, sont exposées à des risques nouveaux qu’il leur faut appréhender. Avec le Web 2.0, l’internaute est un acteur du réseau, un média potentiel à part entière. Véritable relais ou faiseur de réputation, il peut être un réel soutien ou un danger en puissance. Les enjeux pour les collectivités et les élus en matière de web réputation sont extrêmement forts.

Que ce soit pour leur mise en avant, leur développement économique, pour la conclusion de partenariats commerciaux, la promotion du tourisme, la sphère publique ne peut plus faire l’impasse sur le monde numérique. Pour Didier Frochot et Fabrice Molinaro, auteurs du livre E-reputation : suivre, soigner, défendre l’image de l’élu local sur le Net, “si une collectivité ne peut voir son chiffre d’affaires ou sa cotation boursière baisser – risque majeur de l’e-réputation pour une entreprise – celle-ci peut cependant souffrir d’une mauvaise image en cessant d’attirer sur son territoire des entreprises qui lui rapporteraient en termes de fiscalité locale, voire en cessant d’attirer de nouveaux habitants qui préfèrent aller vivre un peu plus loin, dans des communes limitrophes”. Pour un élu aussi, il est évident qu’une mauvaise rumeur ou une mauvaise campagne, diffusée sur Internet, peut largement compromettre sa réélection.


Les collectivités ont donc besoin d’appréhender au mieux l’image qu’elles dégagent sur Internet. Les formidables techniques de maillage de l’information avec les flux RSS, les blogs et les réseaux sociaux deviennent des caisses de résonance d’une puissance et d’une réactivité jamais égalées. Alors qu’autrefois les habitants se contentaient d’écrire une lettre bien sentie à leurs élus ou au courrier des lecteurs du journal local, aujourd’hui, les humeurs des citoyens peuvent être relayées rapidement et massivement via Twitter, Facebook, Youtube ou de nombreux blogs. Savoir ce qui se dit sur eux, écouter les rumeurs, dénicher les fausses informations est devenu une nécessité pour les collectivités. Il convient donc de mettre en place un dispositif efficace pour détecter au plus vite les risques potentiels et réagir en conséquence.

Attention vous êtes surveillés 

Rennes a récemment pris les choses en main en confiant la surveillance de son e-réputation à une entreprise. Celle-ci écoute les bruits du web et les rapporte à la municipalité. La ville et Rennes Métropole ont fait appel à Human to Human, une agence spécialisée dans l’e-réputation, pour mettre en place un dispositif de veille stratégique sur Internet. L’objectif est de récupérer sur la toile tout se qui se dit, en bien ou en mal, des politiques entreprises par la ville pour pouvoir réagir en conséquence. Rennais, attention ! Si vous écrivez sur le net à propos de la nouvelle ligne de métro, la vidéosurveillance, vos élus ou tout ce qui concerne la ville de près ou de loin… vous êtes surveillés !

La veille stratégique a pour but de mettre en perspective « l’expression par les diverses communautés d’internautes des actions entreprises par les acteurs politiques locaux » peut-on lire dans le communiqué officiel de la ville. Comment ça marche ? Le dispositif comprend une revue du web quotidienne, un baromètre mensuel de la réputation de la ville, au niveau local et national et une analyse détaillée des conversations, thématique par thématique, communauté par communauté. Plus de 800 comptes Twitter, 3000 groupes ou pages Facebook et de nombreux blogs sont recensés. Une veille automatisée sur des mots clefs prédéfinis a été mise en place. Cette surveillance permet d’identifier les espaces d’expression influents et d’appréhender tous les sujets de discussion spontanément débattus.

Flicage ou simple revue de presse du web ? 

Ce dispositif a été présenté comme un outil complémentaire de la revue de presse quotidienne. Selon Jean De Legge, à la tête de la communication de la ville, ce système permet d’avoir une visibilité sur la presse électronique et sur ce qui se dit sur Rennes en ligne. Sauf que la veille va au delà de la presse écrite conventionnelle. Blogs, réseaux sociaux, sites en tous genres sont aussi passés au peigne fin. On aurait plutôt là un nouveau baromètre d’opinion. En effet, cette revue du web comprend aussi une « logique de connaissance et de compréhension de l’opinion » selon Ludovic Bejar, directeur associé de Human to Human. Est-ce qu’un scan du web permettrait de mieux capter l’opinion publique que les traditionnels sondages ?

Coût de l’opération 62 000 euros 

Si vous n’avez pas les 62 000 euros que va dépenser Rennes, pour vous payer un “Big Brother” du net, il est tout de même possible, et très utile, de surveiller et de faire un bilan de votre notoriété sur le net. À partir d’une sélection de mots clés, vous pouvez scruter moteurs de recherche, agrégateurs d’actualités comme Wikio, méta-outils sociaux et autres plateformes de microblogging telles que Twitter. Il s’agira de mieux percevoir la notoriété de l’élu ou de la collectivité locale au sein de la blogosphère et des réseaux sociaux et d’en savoir plus sur leur positionnement. Vous pouvez aussi vous servir du site que Swiss Life met à disposition de ses clients pour sensibiliser aux risques d’atteinte à la réputation en ligne. “Protéger son image” vous explique par exemple comment réaliser une veille ponctuelle de votre e-réputation avec Google Alerte ou comment bien paramétrer vos profils.

En cas de problème, si vous n’avez pas d’assurance, vous pouvez toujours saisir la CNIL (Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés) et porter plainte puisque tout propos diffamatoire, calomnieux ou injurieux à l’égard d’une personne peut être poursuivi pénalement. Mais sachez aussi que par rapport à l’intervention d’un avocat qui tentera d’agir en justice, avec les frais et les délais que cela suppose, l’intervention à l’amiable permet d’agir très vite, avec efficacité et souvent à moindre frais.

Ce bilan peut aussi être un très bon outil pour mettre en place une stratégie d’implantation numérique. En effet, la meilleure solution reste de prendre les devants et de se lancer sur les réseaux sociaux. Un espace d’expression officiel peut éviter que les citoyens aillent s’exprimer ailleurs. Et en cas de problème, il est toujours plus facile de réagir si le débat se passe chez soi. Rappelons d’ailleurs que la ville de Rennes n’est pas encore présente sur les réseaux sociaux. Pourtant le but affiché de cette surveillance était justement d’être la première étape vers l’organisation de la présence de Rennes sur les médias sociaux.

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