Du blog territorial à la plate-forme sociale

Après un premier extrait (Eric Legale : “Dialoguer avec toto, cela m’intéressait de moins en moins”) voici quelques nouvelles belles feuilles du Dossier d’Expert “Blogs territoriaux, réseaux sociaux et nouveaux enjeux du web 2.0 pour les collectivités locales”, ouvrage collaboratif paru l’an dernier aux Editions Territorial. Au menu du jour : les plate-formes sociales territoriales, en entrée ; le visage des “sites 2.0” des collectivités de demain, pour plat principal. Et, après un fromage d’Auwwwergne, l’interview de Bertrand Soulier, webmaster du CR Auvergne, en guise de dessert.

A l’aube de 2010, le web social est un défi pour les entreprises, comme pour les collectivités. Sauront-elles le relever à temps ? Ou la plupart resteront-elles, une fois encore, trop longtemps sur le quai ?

Le véritable enjeu de cette (r)évolution majeure : passer du blog territorial (support de la collectivité) à la plate-forme de blogs (supports des citoyens). L’idée n’est plus pour elle de tenir son blog mais de permettre aux citoyens d’en tenir un et de mettre en place un réseau. L’enjeu est, pour les services de communication, de passer d’un service de rédacteurs à un service d’hébergeur, d’éditeur et de corédacteur. D’une information verticale à une information 100 % horizontale mais néanmoins éditorialisée, donc sans cette ” perte de contrôle” qui effraie encore certains élus politiques dans le web 2.0.
Saisissez la nuance : la collectivité ne tient plus un blog, mais offre à ses administrés la possibilité d’en tenir un. Et elle adosse le tout à un réseau social, afin de former un “mash-up” (site composite) qui sera sa plate-forme sociale. Le secret de la recette ! C’est cela le modèle social du web local: un média qui permet à chacun de prendre la parole et qui éditorialise l’information la plus pertinente. Cette plate-forme idéale qui n’existe pas encore (mais reste tout à fait possible techniquement et à moindre coût) serait à la fois un “” territorial, un véritable laboratoire social et un baromètre local pour la collectivité qui posséderait désormais l’outil ultime pour prévenir une crise ou encore “sentir la tendance”.

Beaucoup de municipalités ont compris que le blog n”est plus seulement un jouet pour webmaster et dircom, mais une véritable force de pénétration vers la population

Pour Dominique Paulin, “beaucoup de municipalités ont compris que le blog n’est plus seulement un jouet pour webmaster et dircom, mais une véritable force de pénétration vers la population. Le site Internet de la commune reste et restera incontournable, ne serait-ce que pour faire passer de l’information vers les habitants. Mais maintenant, ces sites communaux se déclinent en blogs qui accompagnent un événement ponctuel mais répétitif, un équipement en cours de construction et pour lequel, une fois le bâtiment terminé et inauguré, le blog servira de relais d’information ouvert au public, un service municipal. Les élus ont (enfin) compris qu’ils n’ont plus le droit de ne pas écouter leurs administrés et que les réunions publiques qui rassemblent cinquante personnes dont vingt-cinq techniciens communaux sont devenues obsolètes. La mise en place d’un blog permet une ouverture et un échange d’informations avec la population. Cela permet aux internautes de dire ce qu’ils pensent, de faire des propositions, alors que beaucoup d’entre eux n’oseraient pas prendre la parole lors d’une réunion. Les mairies qui travaillent à se doter d’un nouveau site Internet orientent toutes ou presque leurs études vers la démocratie participative : leurs sites doivent être interactifs, les habitants doivent pouvoir interagir avec les techniciens et les élus. C’est ensuite à ces techniciens et élus de prendre en charge le blog et le faire vivre en répondant à la population. Fontaine possède à l’heure actuelle 6 blogs (4 hébergés sur le serveur de la mairie, 2 chez Over-Blog). La refonte du site Internet est en cours et aucun de ces blogs ne va disparaître, ils vont juste être “réhabilités” pour s’intégrer au mieux dans la charte graphique du nouveau site. Les plates-formes de blogs territoriaux sont réellement un enjeu fort pour les municipalités, l’ouverture vers la population et la prise en compte des desiderata des habitants. Beaucoup de listes ont surfé sur cette idée en promettant une plus grande écoute et ces plates-formes leur permettent de tenir cet engagement. Reste à savoir maintenant comment sont exploités ces échanges. Mais ceci est une autre histoire”.

Il existe déjà des premières expériences innovantes qui s’en rapprochent toutefois et dont les résultats ont été plus que probants : citons Chermedia, un espace commun à plusieurs centaines de bibliothécaires du Cher et l’Auwwwergne, première plate-forme sociale régionale lancée par le conseil régional d’Auvergne. Les deux plates-formes sont conçues sur un modèle de média social “Open Source“, public et ouvert aux contributions ; techniquement, elles utilisent toutes la plate-forme de blogs WordPressMu et son extension de réseau social BuddyPress, sorti en janvier 2009 – et qui devient le standard des grands médias (également utilisé pour la plate-forme de blogs du site LeMonde.fr) et institutions.

Chermedia est, comme l’explique Christian de la Guéronnière “un lieu d’information et de travail collectif, qui propose des recommandations d’ouvrages, des rencontres avec des auteurs, des travaux d’écriture collective, des rendez-vous, des articles de coups de cœur ou d’analyses, mais aussi des enregistrements sonores et des vidéos. Une série est tournée et des épisodes sont mis en ligne tous les mois pour conter cette aventure. En quelques semaines, on a pu observer un bouleversement des habitudes et une appropriation de l’outil par tous les réseaux de la lecture publique départementale (130 contributeurs, 700 commentaires, 300 articles de novembre 2008 à février 2009). Ce mode collaboratif décloisonne et humanise ainsi les institutions”.

Voilà qui prépare le terrain sur des projets web plus ambitieux de démocratie participative : interaction entre média social et démocratie

L’Auwwwergne, qui sera étudié plus en détail dans le sous-chapitre suivant, est une plate-forme de blogs adossée à un réseau social, née d’un buzz réalisé par l’agence Adverbia pour le compte du conseil régional d’Auvergne. L’ambition stratégique était d’abord d’associer les “www” au territoire auvergnat, qui fêtait son statut de première région 100 % reliée en ADSL sous l’impulsion de ses pouvoirs publics. S’appuyant sur une minifiction web, “Les disparus de l’Auwwwergne“, dont les vidéos ont été vues plus de 100 000 fois, , le buzz a généré plus de 20 000 liens Google et des centaines d’articles… Il a donné naissance à un nouvel “éden numérique” reposant sur un site composite (“mash-up”), plate-forme d’expression et de créativité de la région. Celle-ci propose des concours, des animations et éditorialise les meilleurs contenus. L’utilisateur a la possibilité d’ouvrir un ou plusieurs blogs, de se créer un profil, d’animer des groupes, d’échanger publiquement ou par messagerie privée, de publier instantanément sur la plate-forme via Twitter, ou même d’exprimer ses petits malheurs dans une “Wie de bouse”, reprise du célèbre Viedemerde.fr. Reprenant tous les ingrédients du web 2.0 (avec des pages Netvibes, Twitter, Dailymotion, YouTube ou encore Facebook personnalisées), cette « première », qui a déjà réuni plus de 250 “sécessionnistes” en moins de trois mois, a ouvert la voie à une nouvelle ère de la communication publique.
Comme l’écrit le site e-watcher : “Une idée séduisante qui, du coup, pose la question du potentiel de ce type d’outil pour fédérer à l’échelle d’une ville ou d’une région. Voilà qui prépare le terrain sur des projets web plus ambitieux de démocratie participative : interaction entre média social et démocratie.”
“Les collectivités doivent communiquer sur leurs actions, des sujets sérieux et complexes, mais doivent aussi trouver des moyens un peu plus “sexy” que les moyens traditionnels”, affirme Bertrand Soulier. “Les magazines des collectivités n’intéressent pas forcément les jeunes, poursuit-il. Les grandes réunions de démocratie participative ont du mal à se remplir et sont dépassées par les capacités d’interaction de ces plates-formes sociales. L’ère du broadcasting est terminée et la publication personnelle est bien ancrée dans les usages. Les internautes ont pris l’habitude de s’exprimer via leurs blogs ou les commentaires. Et certaines personnes ont d’ailleurs de vraies connaissances pointues sur les sujets qui préoccupent les collectivités.”

J”ai peur que les habitants nous regardent toujours comme une institution, qu”ils ne jouent pas le jeu

En cette nouvelle mandature, le véritable défi pour les collectivités sera d’organiser ce web social de demain – c’est-à-dire passer du blog territorial à la plate-forme de blogs citoyens adossée à un réseau social. “Le mécanisme de dialogue avec le citoyen reste donc à inventer. Les réseaux sociaux locaux peuvent être une réponse. Mais il faut les mettre en place, construire des outils adaptés, les animer, montrer qu’on a de la considération pour les idées émises et sûrement aussi les dépolitiser. L’enjeu est aussi de faire participer tout le monde et d’une manière constructive. Il faut aussi que ces plates-formes ne se contentent pas d’être des “aspirateurs” à contacts à travers des concours photo ou des meilleures recettes. Elles doivent donc aussi s’intéresser aux sujets qui préoccupent vraiment le citoyen, être transparentes et sincères. Elles devront aussi prouver qu’elles peuvent déboucher sur des choses concrètes.”
Peut-on alors penser que les citoyens produisent un jour l’information de la ville, que le service communication n’aurait plus qu’à agréger ? “J’ai peur que les habitants nous regardent toujours comme une institution, s’inquiète Eric Legale. Donc, ils ne joueraient pas le jeu. C’est eux qui ne joueraient pas le jeu, ce n’est pas nous. On a essayé sur Issy TV avec par exemple la vidéo où l’on écoute Dailymotion ou YouTube : les gens peuvent publier toutes les vidéos qu’ils souhaitent sur la plate-forme. Or, ils ne le font pas, parce que l’on reste l’institution, on reste la mairie, on reste sérieux, donc on ne peut publier n’importe quoi sur le site de la web TV de la mairie. Il y a quand même les associations qui commencent à bouger en se disant “c’est une bonne occasion pour nous de faire un peu plus gros”, mais elles font quasiment des vidéos plus institutionnelles que nous. Parfois, je me dis que c’est un peu désespérant.”
Il poursuit en relatant l’expérience du réseau social local ouvert à Issy-les-Moulineaux en décembre 2008 : “Même sur iFolio, les gens peuvent contribuer en proposant des sujets, mais ils ne le font pas. Je crois qu’il y aura toujours ce fossé entre l’institution, qui reste quand même une sérieuse maison, et les citoyens. Par contre, ils vont préférer échanger entre eux : si vous mettez une plate-forme ouverte seulement entre eux, je crois que ça peut prendre sans problème. Mais dès lors que nous sommes là, je pense qu’ils craindront le ridicule, d’être identifiés par la mairie, ou je ne sais quoi. En tout cas, je suis plus sceptique là-dessus.”

Je crois beaucoup à la démocratie participative

“Mais je crois beaucoup à la démocratie participative pour une raison simple, continue Eric Legale. Jusqu’à aujourd’hui, on était dans une “démocratie intermittente”, avec le raisonnement suivant : on élit des représentants, ils font leur job, et on leur donne rendez-vous dans cinq ans. Sauf qu’on le voit bien dans la vie quotidienne, ce n’est pas comme cela que cela se passe. Pourquoi est-ce que les gens se mettent à manifester, à contester, à s’opposer dans les élections intermédiaires, parfois de manière brutale ? Il faut analyser toute la période qui s’est passée dernièrement, notamment les années 2004-2005, etc. Il y a eu des messages exprimés par la population extrêmement forts dont les élus n’ont pris aucun compte, ce qui aboutit à une catastrophe quasiment annoncée sur le plan du déficit démocratique. Donc, ça, c’est important. Aujourd’hui, les citoyens sont mieux formés, mieux informés, ils peuvent aller sur Internet quand ils ont une question qui se présente : on ne peut donc plus les traiter comme des enfants, ou leur dire “écoutez, vous êtes gentils, c’est une affaire sérieuse, laissez les pros s’en occuper et vous jugerez après”. Il faut le dire encore parce que cela ne se passe pas comme cela.
Pour ma part, j’ai toujours dit que la démocratie directe était une vaste Vous trouverez slots pour les joueurs qui aiment l’excitation de machines a sous, vous trouverez des tables de roulette pour les jeux de hasard, ainsi que la tension des salles de jeux ou le blackjack et le poker joueurs s’affronteront a l’aide de la maison et une autre a l’interieur d’une offre d’accepter pot ou doubler leur argent. fumisterie. Elle n’a jamais existé, y compris sous Athènes où il fallait être un mâle pour s’exprimer, affranchi (parce que les mâles esclaves ne pouvaient évidemment pas s’exprimer ni les mâles qu’ils appelaient les “métèques”, ceux qui n’étaient pas de la citoyenneté). Il faudrait revoir l’histoire de la démocratie athénienne. En tout cas, ceux qui n’avaient pas la citoyenneté athénienne ne pouvaient pas voter. Il faut quand même se souvenir de cela. Déjà au début, la démocratie était quand même très élitiste, il faut le dire. Ensuite, à la fin de la démocratie athénienne, les hommes arrivaient sur l’Agora avec des lances de soldats dans le dos pour les obliger à y aller parce qu’ils ne voulaient plus y aller, ils trouvaient que cela ne servait à rien. Comme aujourd’hui des civilisations confortablement installées qui se disent “non, tout cela ne sert plus à rien”. Donc, moi, je crois beaucoup à la démocratie participative. Même s’il y a une majorité de citoyens, enfin je ne veux pas donner de chiffre, en tout cas, beaucoup de citoyens qui ne s’intéresseront jamais à la vie politique. Parce que cela ne les intéresse pas, c’est tout, on n’est pas obligé de s’intéresser à la vie politique.

Pour ma part, j’ai toujours dit que la démocratie directe était une vaste fumisterie. Elle n’a jamais existé, y compris sous Athènes où il fallait être un mâle pour s’exprimer

Mais aussi des citoyens qui font confiance aux élus qu’ils ont élus. Or, cela n’empêche pas de penser, de commenter, éventuellement de vouloir amender tel ou tel point. C’est ça la démocratie participative. Évidemment, si on se dit que la démocratie participative, c’est la campagne de Ségolène Royal, c’est très limitatif ; il ne s’agit pas juste de dire “je suis le candidat, aidez-moi à bâtir mon programme”. La démocratie participative, c’est “j’ai ces idées-là, j’ai ces opinions, j’ai ce projet-là, discutons-en”, peut-être même “sur cette idée-là, j’ai eu deux options, les deux me semblent bien équilibrées mais j’ai du mal à décider, aidez-moi à décider”. Après tout, il n’y a pas de honte à se dire cela. C’est ce qu’on veut dans la vie quotidienne, aussi parfois. La vraie démocratie participative, elle serait plutôt là-dessus, de dire “aidez-nous à faire des choses”. En même temps, il faut comprendre que ça ne se fait pas sans casse. Par exemple, le grand débat participatif qui a eu lieu au Forum des Halles a été un échec parce qu’il était mal organisé. Cela a été un tel bazar qu’ils ont été obligés de tout remettre à zéro et de reprendre tout le projet. Et en même temps, c’est le risque. C’est à la fois un risque, mais c’est aussi une politique. Cela ne me choque pas qu’un projet soit remis en cause, même si ce peut être vexant.”

Ce sont les outils et sites sociaux qui permettent de créer et développer des réseaux

Alors, pour mettre en place cette démocratie en ligne, l’aspect réseau sera un élément primordial du web social local de demain. Cela signifie pour l’utilisateur avoir non seulement la possibilité de bloguer, publier de l’information, mais aussi de se créer un profil, se présenter, interagir avec la collectivité mais aussi et surtout avec les autres. Cet usage, on l’a vu apparaître avec des sites comme MySpace, proche, comme le dit Frédéric Cuignet, “d’une définition de “blogs à réseaux”. Pour être un gros utilisateur de Viadeo et Facebook, je trouve que MySpace semble plus orienté (en dehors de la particularité liée à la musique autopubliée) vers la publication de notes “one to many”, alors que, le plus souvent, j’utilise Facebook ou Viadeo pour joindre quelqu’un”.
À l’aube de cette nouvelle décennie, le blog à lui tout seul n’est plus suffisant pour être créateur de réseaux, comme l’écrit Jean-François Legat : “En incitant aux commentaires, en relançant le débat, il peut y avoir création d’une communauté qui se retrouvera sur le blog pour suivre les informations proposées, pour réagir à celles-ci. Mais le blog ne permettra pas à une interaction libre entre ses membres de façon individuelle. Le commentateur A et le commentateur B vont discuter sur une information émise par le blog. Au mieux, A et B pourront se répondre à propos de cette information. Mais A et B ne deviendront jamais (ou exceptionnellement alors) membres des réseaux de l’un et de l’autre.
Pour qu’il y ait création de réseaux, d’autres outils doivent être utilisés. Soit par l’intermédiaire d’autres services web que le blog, comme les sites de réseaux sociaux (Facebook, MySpace, Fing), ou bien par l’ajout à un blog de fonctionnalités spécifiques de réseaux sociaux. À ce moment-là seulement, les utilisateurs, en entrant en contact de façon individuelle, vont créer et enrichir leur réseau. L’animateur du blog, en utilisant également ces fonctionnalités ou bien en administrant un réseau social, créera et enrichira alors le réseau de sa collectivité. Le blog en lui-même n’est pas, à mon sens, créateur de réseaux, ce sont les outils et sites sociaux qui permettent de créer et développer des réseaux. On peut citer à ce titre l’initiative de la ville de Rive-de-Gier sur Facebook pour développer un réseau de citoyens, habitants, qui ne visitent pas habituellement le site institutionnel de la commune.”
“Oui, l’avenir est aux plates-formes “réseaux sociaux” ou “collaboratives” comme l’Auwwwergne“, s’écrie Pascal Minguet. Comme il l’explique, ces plates-formes territoriales devront être des sites composites, “Open Source“, hybrides, “avec un réel mélange de personnalisation, de publication, commentaires… de communautés et groupes. Un peu à l’image de Facebook qui reste, pour moi, la “killer application” qui marquera cette décennie. Il y a d’extrêmement bonnes trouvailles, il y aura un avant et un après”.

Le but de Facebook est de vendre le maximum de données utilisateurs, le but de la plate-forme régionale est de créer du lien social

La différence entre Facebook et une plate-forme régionale comme l’Auwwwergne ? Le but de la première est de vendre le maximum de données utilisateurs à des entreprises privées. Le but de la seconde est de créer du lien social en valorisant la blogosphère locale. Si les communautés sont incomparables en termes de taille et de fonctionnalités, l’utilisateur pourra toutefois trouver dans la petite plate-forme une convivialité qui n’existe pas dans la grande, elle-même déshumanisée. Essayez d’envoyer un message à l’un ou l’autre de leurs administrateurs : en Auwwwergne, on vous répond sous 48 heures et on prend en compte votre avis. Sur Facebook, ne perdez pas votre temps, vous n’aurez jamais de réponse.
Une des clés de la réussite sera alors sans doute d’adosser la communauté virtuelle à la communauté réelle. Comme l’écrit Christian de la Guéronnière, “le média ami devient ainsi un outil d’animation et d’élargissement du groupe. Il procède de lui. C’est bien un outil de lien entre les individus qu’il s’agit de mettre en œuvre en s’appuyant sur les communautés réelles que touche la collectivité pour les amener à échanger sur Internet. Les acteurs publics, quant à eux, sont par nature des animateurs de communautés réelles, notamment : les élus, cadres, agents municipaux ; les usagers des différents services publics : écoles, activités péri et parascolaires, sport, prestations scolaires, prestations sociales, santé, loisirs, culture, maisons de quartier, bibliothèque, etc. ; les habitants d’un territoire qui partagent un même espace public ; les électeurs d’un même exécutif qui débattent et choisissent un projet et une équipe. La collectivité est en prise directe avec ces publics captifs, lesquels sont en attente de services ; d’informations ; d’échanges (ex. : leur appréciation de tel événement culturel, etc.) ; de conseils et de formation ; de reconnaissance et d’attention”.
Comme autres clefs du succès, il est alors essentiel de lier les communautés. “Il faut ensuite que les individus, les communautés, se reconnaissent, se lient… et se lisent, poursuit-il. Pour cela également, priorité doit être faite à l’accompagnement et à la formation des publics les plus investis ou les plus curieux. Le rôle essentiel d’un “community manager“, véritable animateur du site et lien entre les internautes et l’institution, est là déterminant. Au réseau social, doit également s’adosser un média social partagé où s’opère un véritable échange d’informations sur le mode “je te donne de l’information, tu en donnes”. La collectivité accepte donc d’être un contributeur parmi d’autres, même si c’est elle qui organise et valorise l’information récoltée comme elle l’entend. C’est ainsi tout le territoire qui devient en quelque sorte un média. Enfin, l’objectif est de fédérer les communautés pour faire “boule de neige”. Il s’agit, in fine, de fédérer les différentes communautés à l’échelle de la collectivité pour cristalliser une adhésion à un territoire, faire émerger une identité, asseoir une image et la propager sur le Net (phénomène de buzz), bien au-delà des frontières de la commune. Cela pourra donner lieu à des opérations éphémères événementielles, décentralisées.”

Entretien avec Bertrand Soulier, webmaster du conseil régional d’Auvergne, président de l’association Cyberbougnat et auteur de nombreux blogs (Chroniquesduweb.com, Clermontois.net, etc.)
Bloguer, est-ce chronophage ? Combien de blogs gérez-vous et combien de temps cela vous prend-il ?
Bertrand Soulier : Oui, bloguer est chronophage. Je passe une grande partie de mon temps sur Cyberbougnat.net, webzine sur Clermont-Ferrand et l’Auvergne. Je gère ensuite quelques blogs connexes qui sont pour moi des manières d’approfondir des sujets qui seraient surreprésentés dans Cyberbougnat (transports et sport, par exemple). Ensuite, mon côté passionné m’a conduit à ouvrir cinq ou six blogs sur le web (Chroniquesduweb.com), Twitter (Twitterrien.fr), le web local (Weblocal.fr), la course à pied (Coureursgeeks.fr) ou sur… moi (Monblogdemec.fr). Au niveau temps, on peut donc dire que c’est pour moi quasiment un second boulot.

L”Auwwwergne, un joli projet bien dans l”air du temps

Comment se porte la blogosphère auvergnate ? Et que pensez-vous de l’Auwwwergne, première plate-forme de blogs régionale, à la fois en tant que webmaster de la région et blogueur local ?
B.S. : La blogosphère auvergnate est un peu atrophiée à mon goût. Je recense sur mon agrégateur (Cyberbougnat.net/greg/) plus d’une centaine de blogs, mais leur activité et leur qualité sont variables. On a beaucoup vu les blogs politiques de droite l’an dernier, mais leur vie s’est un peu arrêtée quelques mois après les élections. Mais il y a tout de même quelques blogueurs intéressants et actifs dans la région.
Quant à l’Auwwwergne, c’est un joli projet bien dans l’air du temps. D’ailleurs, il s’avère que j’avais eu la même idée d’évolution, avec le même outil et au même moment, pour la partie sociale de Cyberbougnat. Elle est audacieuse pour une collectivité locale et a bénéficié d’une large médiatisation. C’est très intéressant pour l’image, souvent malmenée, de notre région. On peut souhaiter qu’une telle plate-forme augmente un peu la sphère locale de la publication personnelle. Je me demande, par contre, comment elle évoluera après sa première année de vie.
Parlez-nous donc de ce réseau social du même type (WordPressMu BuddyPress) qui est l’évolution de Cyberbougnat : quel est votre retour sur expérience ? Qu’est-ce qui différencie le projet de l’Auwwwergne ?
B.S. : Ce projet est, pour Cyberbougnat, une évolution de la partie forums de discussion. Les forums comprenaient déjà des fonctions sociales, mais moins avancées. Le forum était certes très puissant, mais aussi très compliqué pour le néophyte. Là, on passe à un niveau supérieur dans les possibilités techniques et éditoriales. Clermontois.net n’est plus seulement un forum, mais un média social avec des zones de dialogue et des forums.
La mise au point technique a été difficile, car je travaillais sur des versions bêta et donc peu documentées. J’ai fait un premier test à travers Weblocal.fr avant de mettre en place Clermontois.net. Maintenant, les choses sont plus stabilisées, et l’intégration est facilitée. Mais le plus difficile dans un tel projet est l’animation, le recrutement de nouveaux membres, de contributeurs actifs.
L’Auwwwergne reste le projet d’une collectivité avec logiquement des attentes particulières sur les retours, les messages à faire passer, l’impact politique… On peut aussi se poser la question de la réaction des élus si certains sujets abordés par les membres ne leur plaisent pas. Cyberbougnat a de ce côté sûrement une plus grande liberté de ton. Mais surtout, Clermontois.net est aussi un laboratoire pour le futur de Cyberbougnat lui-même.
Le choix du logiciel libre vous semble-t-il important ?
B.S. : Il est majeur. Pour moi, c’est la seule formule qui garantisse une certaine liberté et une pérennité des projets. Le logiciel libre donne la liberté de changer de prestataire, de faire évoluer le projet comme on le souhaite, d’utiliser librement les bases de données constituées. Il permet aussi une meilleure maîtrise budgétaire des budgets en se détachant des contraintes d’achats de licences ou en étant forcé de travailler avec un prestataire. Par contre, il faut aller jusqu’au bout de la logique du libre : utiliser un CMS libre et non pas seulement un CMS fabriqué avec des briques libres, se former sur les outils, partager avec la communauté les extensions développées, accepter de faire la promotion des outils que l’on utilise. Les personnes qui se servent d’un outil libre doivent penser à le faire progresser.
Peut-on vivre de ses blogs et arrivez-vous à monétiser votre travail ?
B.S. : On constate que de plus en plus de monde arrive à en vivre. C’est vrai aux États-Unis, un peu moins en France même si ça progresse. Maintenant, il faut aussi différencier la monétisation directe des monétisations indirectes. Certes, on peut vendre de la pub et des billets sponsorisés pour tirer des revenus directs. Cette pratique semble encore d’ailleurs poser problème à certains lecteurs et blogueurs amateurs qui n’imaginent certainement pas le travail important à réaliser pour tenir un blog complet. De plus, il ne faut pas négliger le temps que prennent la prospection et la vente des espaces.
J’ai donc tendance à penser que les revenus indirects peuvent être plus importants. Démontrer ses compétences dans un blog peut permettre de changer d’emploi, se mettre à son compte ou gagner des dossiers, se faire repérer pour écrire dans d’autres publications rémunérées ou écrire des livres, donner des conférences ou des cours…
Je suis moi-même rémunéré pour écrire dans un autre blog, j’assure aussi quelques prestations de services dans le domaine du blogging, sans oublier les cours en université. Mais ce n’est pas encore assez pour en vivre.
Vos trois conseils essentiels pour réussir son blog ?
B.S. : 1/ Bien choisir son sujet. Mon conseil serait de viser une niche que l’on connaît bien et sur laquelle on a des choses à dire, de la plus-value à apporter. Quel que soit le sujet, les contenus repris et mis en avant sur le réseau sont ceux qui apportent de la plus-value.
2/ Être conscient de l’investissement : si créer un blog ne coûte quasiment rien, le temps à investir dedans est important et il ne faut pas s’attendre à en tirer profit immédiatement. Le temps pour faire connaître son blog est important et il est probable que plus il sera connu, plus il vous demandera du travail. Il faut aussi beaucoup donner pour recevoir. C’est un investissement sur le long terme.
3/ La force d’Internet, c’est le lien hypertexte. Tissez des liens avec les autres blogs, tissez du lien avec les autres personnes du domaine, n’hésitez pas à faire des liens vers vos sources. Il est préférable de faire un court billet avec un lien vers un autre blog qu’un long billet n’apportant rien de plus que ce qui a été lu partout. En plus, cela vous fait gagner du temps…

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