Comment réinventer un territoire avec le storytelling ?

Le storytelling ? Beaucoup en parlent. Sans forcément savoir de quoi il s’agit. Pour résumer, c’est l’usage d’histoires, de récits pour… Pour quoi au juste ? À en croire ce qu’on lit un peu partout, ce serait pour les raconter, un point c’est tout.
Raconter des histoires peut être intéressant, pourquoi pas. Si on ne confond pas histoires et bobards, du moins. Mais même avec cette précaution, raconter des histoires n’est de loin pas la chose la plus intéressante que l’on puisse faire avec le storytelling. C’est même l’usage qui a le moins de potentiel, le moins productif.

Le storytelling est bien plus utile lorsqu’on l’utilise pour faire émerger des idées, partager un contexte, des enjeux, engager un dialogue, connecter des publics entre eux (et des histoires). C’est aussi de la communication : transversale selon le cas, ou crowdsourcée et levier d’action. Et on voit là tout l’intérêt de ce processus dans le débat et la communication publics. Cela va bien plus loin que la concertation, la démocratie participative que l’on connaît bien.
“Le storytelling est bien plus utile lorsqu’on l’utilise pour faire émerger des idées, partager un contexte, des enjeux ou engager un dialogue…”
Ces dernières techniques visent la plupart du temps à confirmer ou justifier des choix, des convictions, bien plus qu’à ouvrir un espace de co-création, communicationnelle et plus. Car, lorsqu’on s’engage dans un processus approfondi, avec l’aide du storytelling, on peut réécrire l’histoire que l’on vit, écrire une nouvelle histoire, plus satisfaisante, en réinventant le territoire, pour ne prendre que la sphère publique, des collectivités. Et c’est la communication publique la plus impliquante qui soit pour tous ses protagonistes.
C’est beau sur le papier, mais qu’en est-il dans la réalité ? Cela ressemble beaucoup à une utopie. Et bien non, ce processus a déjà été engagé dans des territoires, avec succès. En France ? Certains commencent tout juste…

Le dernier exemple en date : la ville de Detroit, aux États-Unis. Le jeu en ligne Detroit 24/7 a été lancé pour engager la discussion sur l’avenir de la ville et notamment le développement immobilier et urbain. Plus de 140 associations ont été sollicitées ainsi que les citoyens pour participer. En quoi cela va-t-il plus loin qu’une traditionnelle concertation ? Parce que l’objectif est de stimuler l’imagination plutôt que d’obtenir simplement des avis. Donc, le jeu consiste à poser des questions de type “le saviez-vous ?” (sans proposer des solutions toutes faites derrière), explorer des challenges et même relever des défis. Exemple : “saurez-vous offrir une plante à un voisin particulièrement peu sympathique ?”. Et puis, on émet, on échange, on discute d’idées d’amélioration de la ville… On quitte l’univers du jeu pour poursuivre les discussions dans les quartiers de manière transversale, de quartier à quartier.
À noter : une démarche similaire a été lancée à Boston…

Detroit n’est pas pionnière.

Comprendre, imaginer, créer… C’est sous cette bannière que le projet Imagine Chicago, lancé en 1992, a œuvré pour rendre la ville plus juste, et tout simplement meilleure, grâce à l’imagination collective de ses habitants. L’imagination ? Un ingrédient incontournable pour construire une nouvelle histoire et passer des mots aux actions.

Comment : tout simplement, également, en faisant s’interviewer les habitants entre eux (sous forme de dialogue inter-générationnel), pour collecter des histoires, des rêves, mais aussi des ambitions pour les rendre réels, et embrayer avec des actions concrètes.
À l’arrivée : l’émergence d’un leadership citoyen, des connections entre les différentes forces créatives de la ville, des impacts sur la culture, la parentalité… Avec, toujours, comme moteur, des histoires. Dix ans après le lancement d’Imagine Chicago, une trentaine d’initiatives similaires étaient recensées dans le monde.
Plus large encore, à l’échelle de tout un pays… La Nouvelle Zélande.
Une professionnelle du travail avec les histoires, Mary-Alice Arthur, a lancé un projet formidable, baptisé “The 4 Million Dreams Project“.
Elle invite ainsi les quelque 4 millions de Néo-Zélandais à s’interviewer mutuellement sur le futur de leur pays, en partant de ce qu’il y a de mieux aujourd’hui, de ce qui pourrait changer (le “possible”), et en listant les rêves (le “voulu”) des uns et des autres. Bien sûr, cela aboutit à des histoires recueillies en nombre ; d’ailleurs l’intervieweur est invité à préciser dans son rapport la meilleure histoire qu’il a entendu, et à alerter l’équipe du projet des histoires exceptionnelles, qui pourront éventuellement faire l’objet d’un film.
“Une vraie conversation transforme la manière de voir des uns et des autres, et les emmène vers une logique d’action, de création d’opportunités pour le réaliser, ce futur.”
Cela pourrait paraître utopique si l’ensemble n’était pas encadré par des méthodes très sérieuses, des guides-protocoles d’interview et un processus de recueil des résultats des interviews rôdé. La quantité de données rassemblée n’est de loin pas le seul intérêt de la démarche : Mary-Alice Arthur a aussi conçu son projet de sorte qu’un lien se crée entre les intervieweurs et les interviewés, une vraie conversation transformant la manière de voir des uns et des autres, et les emmenant vers une logique d’action, de création d’opportunités pour le réaliser, ce futur.
Toujours pas convaincu que cela n’a rien d’utopique ? Une communauté “4 Million Dreams Project” n’a cessé de grandir sur le web et un grand rassemblement, physique, dans le monde réel a été organisé autour du projet à l’automne 2009.

Nous sommes là au cœur de ce que le storytelling peut apporter de mieux en terme de plus-value.
Et en France ? C’est à voir : Nantes a lancé un projet baptisé “ma ville demain“… Mais il ressemble encore beaucoup trop à ces concertations déjà vues et revues, très formalisées et peu génératrices de dialogue entre les administrés.
Bon, et bien il ne reste plus qu’à oser s’engager dans un storytelling vrai, qui consiste bien plus à construire qu’à raconter.

Stéphane Dangel
www.blogstorytelling.com

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